Le Festival gay et lesbien de Paris présente « Paragraph 175 », histoire de la déportation des homosexuels par les nazis
Mis à jour le mardi 12 décembre 2000
Paragraph 175, présenté pour la première fois en France dans le cadre du Festival gay et lesbien de Paris, tranche violemment avec le discours dominant en traitant de l´une des pires persécutions qu´ait jamais connue une communauté homosexuelle : celle à laquelle se livrèrent les nazis en Allemagne et dans les territoires qu´ils annexèrent. Réalisé par deux documentaristes américains, Ron Epstein et Jeffrey Friedman, Paragraph 175 éclaire le processus au terme duquel l´une des sociétés les plus tolérantes à l´égard de l´homosexualité en est arrivée à la persécution sans jamais renoncer à la rigueur intellectuelle et à la compassion.
Le titre du film reprend l´article du code pénal allemand, adopté sous Bismarck, qui réprimait les rapports sexuels entre hommes. Comme le fait remarquer Ron Epstein, interviewé par téléphone : « L´une des leçons de cette expérience est que l´on ne peut conserver des textes sous prétexte qu´ils ne sont pas appliqués. » Tombé en désuétude sous la République de Weimar, le paragraphe 175 fut réactivé et renforcé par le régime nazi.
Au début de leur entreprise, Epstein et Friedman ne savaient pas grand-chose de la persécution des gays par les nazis : « Nous avions vu Bent (la pièce de Peter Shaffer) nous avions entendu parler du triangle rose qui marquait les déportés homosexuels » , se souvient Friedmann. En 1997, les réalisateurs furent contactés par un chercheur allemand Klaus Müller. Dans le cadre d´une recherche pour le Mémorial américain de l´Holocauste, Müller avait retrouvé les derniers survivants de cette époque. Selon le chercheur, ils sont douze, Epstein et Friedman ont réussi à en filmer six, dont l´un, Karl, refuse lors d´une brève séquence au début du film de faire revivre ses souffrances.
« Le plus frappant est de voir à quel point l´horreur et la colère sont encore présentes chez ces hommes, dit Ron Friedman . A leur sortie des camps, ils étaient encore considérés comme des criminels, beaucoup d´entre eux n´ont jamais eu l´occasion de raconter leur histoire. Dans d´autres communautés ils auraient trouvé plus de soutien. »
CONTEXTE COMPLET
Parmi les témoignages, celui du Français Pierre Seel, Alsacien, enregistré comme homosexuel dans les fichiers de la Sûreté strasbourgeoise exploités par la Gestapo après l´annexion. Déporté au camp de Schirmeck, il y a été atrocement torturé et a vu son ami dévoré vivant par des chiens. Auteur d´un livre de Mémoires (Moi Pierre Seel, déporté homosexuel, Calmann-Lévy, 1994), il dit à l´écran la douleur que provoque chez lui l´idée de réconciliation avec les Allemands. « Mais quand nous avons présenté le film au dernier Festival de Berlin, se souvient Ron Epstein, il était présent, la salle lui a fait une ovation et il a prononcé un discours de paix. »
A côté des témoignages d´hommes près de la mort, les cinéastes n´ont pas hésité à replacer la persécution des homosexuels dans un contexte très complet : « Il fallait avoir un sens de la perspective, dès le début du film nous annonçons le nombre d´arrestations – 100 000 –, d´emprisonnements – 50 000 –, de déportations – 10 000 à 15 000 – et de morts, environ 10 000. Et en écoutant certains témoins, on se rendait compte aussi que leur discours était : tout se serait bien passé avec les nazis si je n´avais pas été homosexuel » , remarque Friedman.
C´est ainsi que le film explique sans fard comment l´homosexualité d´Ernst Röhm, le chef des SA, fut utilisée par les adversaires des nazis sur un mode peu ragoûtant tout en montrant comment d´autres Allemands y virent la preuve que la communauté pouvait très bien s´accommoder de la prise de pouvoir de Hitler.
Aujourd´hui, en Allemagne, seuls les Verts se sont prononcés pour l´indemnisation des victimes homosexuelles du nazisme.
Voir également sur ce site : Paragraph 175 - a documentary by R. Epstein & J. Friedman