triangles-roses.org. La persécution des homosexuels sous le régime nazi.

   
Les essais d'hormones artificielles
Dr François Bayles

Le 7 janvier 1947, au cours de son interrogatoire par le procureur Mc Haney, le Dr Eugen Kogon exposa ce qu'il avait appris auprès de Ding des expériences du médecin danois Vaernet. Celui-ci greffait sur des homosexuels une glande artificielle de son invention.

Le procureur lut une lettre de Poppendick à Ding, transmettant un ordre de Himmler qui s'intéressait à ses recherches. Kogon déclara que deux sujets étaient morts :

"Mc H : Vous avez mentionné un rapport à Poppendick à propos de certaines expériences à Buchenwald sur des homosexuels, menées par un Dr Vaernet. Voulez-vous dire au tribunal ce que vous savez de ces expériences ?

K : A la fin du printemps ou au début de l'été de 1944, le Dr Ding me dit qu'il avait reçu l'ordre d'aider le Sturmbannfürher danois Dr Vaernet. Plus tard, je vis un échange de lettres et un ordre envoyé par Poppendick. Ce médecin danois vint au bloc 50 et demanda à Ding de lui fournir des prisonniers. A ce moment, Ding ne désirait pas s'occuper de ce qui n'était pas de son domaine particulier, et il l'adressa au médecin du camp, le Dr Schiedlausky. Là, le Dr Vaernet sélectionna environ quinze sujets.

Carl VaernetVaernet venait à Buchenwald de temps en temps et, le reste du temps, il travaillait à la section expérimentale 5 de Leipzig, sous l'autorité de Poppendick. Les expériences avaient pour but de transplanter des glandes afin d'opérer des changements chez les homosexuels. Les médecins SS du camp faisaient constamment d'énormes plaisanteries sur ces sortes d'opérations, au cours desquelles deux sujets moururent. J'ai vu en particulier la première lettre de Poppendick, donnant l'ordre à Ding d'aider Vaernet.

Mc H : Il s'agit d'une lettre datée du 15 juillet 1944, de Poppendick à Ding, sur papier à en-tête du Reicharzt SS. Poppendick déclara que sur ordre du Reichsführer, le médecin danois Vaernet avait reçu l'autorisation de continuer ses recherches hormonales et particulièrement le développement des glandes synthétiques. Le Reichsführer SS anticipait certains résultats du traitement des homosexuels avec la glande artificielle de Vaernet.

K : On a sans doute utilisé au moins quatorze ou quinze personnes entre l'été de 1944 et le mois de février de 1945, date à laquelle Vaernet disparut. Il y eut tout un échange de correspondance entre Ding et Poppendick. Ces expériences médicales furent exécutées au moyen d'injections de médicaments; dans le cas des opérations sur les homosexuels, elles prirent des allures variées. Dans beaucoup de cas, des glandes artificielles synthétiques furent transplantées. Je pense avoir le droit de dire que ces expériences provoquèrent la mort de deux sujets."

Interrogé sur le même sujet par l'avocat de Hoven, médecin-chef de Buchenwald, le médecin tchèque Videslaw Horn, ancien détenu de Buchenwald et chirurgien de l'hôpital du camp, déclara le 1er avril 1947 au tribunal qu'il avait été au courant des implantations d'hormones par le médecin danois Vaernet à Buchenwald.

D'après le Dr Horn, aucun sujet ne mourut.

Horn : Un jour, le Dr Schiedlausky vint me trouver et me dit : 'Nous devons utiliser un traitement hormonal'. Il pensait qu'il s'agissait d'appliquer une hormone cristallisée mâle à quelques personnes qui devaient être légalement stérilisées ou à des homosexuels.

Un groupe de détenus arriva. Ils étaient très effrayé. Je leur dis qu'il s'agissait d'une hormone mâle et qu'on m'avait dit que ce n'était pas dangereux. Ceci se passait pendant la deuxième moitié de 1944. Je n'ai pas assisté à l'opération mais mon assistant en fut témoin, le Dr Franz Franck. Il me dit que le travail avait été fait très soigneusement et très lentement.

Dr Dörr (pour Poppendick) : Savez-vous si on avait dit aux prisonniers ce qui allait leur arriver ?

H : En général, on ne disait pas aux prisonniers ce qui allait leur arriver. Ces opérations furent effectuées par un médecin danois qui pratiqua l'implantation. Ce n'était pas un chirurgien professionnel, mais il donnait l'impression de très bien savoir ce qu'il faisait. Je vis ces détenus plus tard, et bien que n'ayant pas eu la préparation entre les mains, je sais qu'il ne s'agissait pas de poison et que personne ne fut tué."

Le Dr Kogon lors de sa déposition devant le tribunal de Nuremberg, en 1946Lorsque Poppendick comparut devant le tribunal, le 8 avril 1947, il affirma que la méthode de Vaernet était inoffensive. Cette méthode, dont Grawitz et Kaltenbrunner voulaient faire de l'argent, était destinée à traiter l'impuissance et la stérilité.

Dr Böhm : Que savez-vous des méthodes de traitement du médecin danois Vaernet, qui pratiqua des transplantations sur des homosexuels et sur des gens vieillis prématurément ?

P : Je savais que Vaernet travaillait à Prague à une glande artificielle, disait-il. Je l'ai rencontré dans l'antichambre de Grawitz; il me dit qu'il recherchait une hormone pure et qu'il avait déjà avec succès employé sa méthode sur des malades privés.

B : Le Dr Kogon a déclaré ici que Vaernet avait expérimenté sur au moins quinze personnes, dont deux seraient mortes.

P : Je ne sais rien de cela, et je ne pense pas que cette méthode inoffensive ait pu causer des morts.

B : Je désire lire l'affidavit du Dr Kirchert, "Méthode de traitement du Dr Vaernet". Grawitz et Kaltenbrunner avaient parlé de la possibilité d'application de l'hormone de Vaernet, et avaient soumis des suggestions à ce sujet à Himmler. L'une d'elles consistait à vendre à l'étranger, au marché noir, cette préparation pour obtenir des devises étrangères. Une autre consistait à la promettre à des agents étrangers en récompense d'informations utiles. Autant que je sache, Himmler rejeta ces suggestions. Grawitz me donna le dossier de Vaernet, de façon à tenir Kaltenbrunner au courant le cas échéant. Cette préparation hormonale, destinée à l'impuissance et à l'homosexualité, était placée sous la peau de l'abdomen et devait avoir un effet d'une durée d'un an. Au bout d'un an, il fallait implanter une nouvelle glande. Le dossier comportait également des calculs mathématiques sur la diminution de la glande par rapport à son temps d'absorption dans le corps humain.



Extrait de Croix gammée contre caducée par le Dr François Bayles,1950. Copyright de l'auteur.

Photos : (en haut) Carl Vaernet ; (en bas) Eugen Kogon photographié au cours de sa déposition devant le tribunal de Nuremberg, en 1946.

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