triangles-roses.org. La persécution des homosexuels sous le régime nazi.

   
Discours du président-fondateur du Mémorial de la Déportation Homosexuelle
Jean Le Bitoux - 24 avril 2005

Chers amis,

Jean Le Bitoux, accompagné du président exécutif du MDH, René Lalement (cliché : Franck Dennis)Depuis plus de dix ans, nous nous réunissons devant ce monument pour nous receuillir à la mémoire des homosexuels victimes de la barbarie nazie. Nous le faisons d'habitude dans le silence, sans prise de parole, car nous venons du silence. Les amours de nos aînés étaient à taire car, pour survivre, ils avaient fait silence, de gré ou de force. Un morceau de l'histoire des méfaits du nazisme avait ainsi été longtemps enterré. Ce n'est pas étonnant quand on réalise que ceux qui n'osaient pas parler avaient en face d'eux des gens qui ne voulaient pas entendre.

Aujourd'hui, avec l'autorisation de tous ceux et de toutes celles qui organisent le moment de cette évocation longtemps occultée par les politiques, les historiens et les familles, je me permets de rompre le silence en tant que président-fondateur du Mémorial de la déportation homosexuelle. Car ce rassemblement sera peut-être le dernier. Il semble qu'enfin les autorités ont entendu notre requête. Elle se décline en plusieurs points :

  • Le gouvernement est enfin d'accord pour nous intégrer pleinement dans les cérémonies officielles de cette Journée Nationale du souvenir de la Déportation. Ces jours derniers, des invitations de la République nous ont été remises.

  • Les autorités sont également d'accord pour que la Commission historique qui avait déjà identifié des centaines d'homosexuels français déportés par le nazisme reprenne ses travaux qui ont été menés et validés par la très officielle Fondation de la Mémoire de la Déportation. Je remercie à ce titre l'énergie et la rigueur des recherches menées des années durant par Mrs Claude Mercier et Thomas Fontaine. Cette requête est légitime car il reste encore de nombreuses investigations à mener en Alsace et Moselle, mais aussi dans les archives de la police française.

  • Nous avons également été entendus sur la nécessité d'une harmonisation préfectorale de ce souvenir, car en ce moment même, des cérémonies identiques se déroulent à Bordeaux, Reims, Marseille, Rouen, Nantes, Metz, Lille, Montpellier, Strasbourg, Poitiers, Angers ou Evry. Nos délégués régionaux oeuvrent pour leur part à intégrer les associations et les nombreuses organisations humanitaires désireuses de s'associer à cette exigence de mémoire.

  • M. Hamlaoui Mekachera, Ministre délégué aux Anciens combattants et Victimes de guerre, a de plus donné son accord pour qu'une plaque à la mémoire des déportés homosexuels soit enfin apposée sur le Mur du Souvenir du camp de concentration alsacien de Natzwiller-Struthof, entre celles, récemment apposées, des tsiganes et des Républicains espagnols. C'est un voeu de Pierre Seel, qui a connu ce camp en 1941, un rare témoin à avoir osé parler de cette déportation spécifique et qui se bat depuis plus de vingt ans pour que cette vérité soit enfin reconnue. Parallèlement, nous sommes très nombreux à demander que Pierre Seel soit à ce titre honoré de la décoration de Chevalier de la Légion d'Honneur.

Nous ne pouvons que nous réjouir de ces avancées significatives. Nous espérons que ces promesses seront tenues. Alors, il nous semble évident que cette cérémonie complémentaire n'aura vraissemblablement plus de raison d'être. Ce moment de recueillement, institué depuis 1977, au départ dans la plus grande hostilité, aura donc eu raison de la surdité des pouvoirs publics, de l'hostilité de certaines fédérations de déportés et de la volonté d'ignorance des historiens. Notre conviction était et demeure que la Mémoire, c'est toute la mémoire, et que l'Histoire, c'est toute l'histoire.

Avant de conclure, je voudrais vous remercier de votre présence, remercier également M. Le Maire de Paris qui est à nos côtés depuis de nombreuses années, ainsi que les nombreux maires d'arrondissement qui sont également à nos côtés depuis des années, remercier M. Alain priou, porte-parole de l'Inter-LGBT et Mlle Catherine Morin, représentante de la Fierté Lesbienne.

Je souhaite enfin remercier Mme Suzanne Heffez-Szenderowicz qui est ici à côté de moi, qui est une des rares rescapées du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau, dont la famille a été exterminée par la haine nazie, et qui a de ses yeux vu des Triangles roses dans cet enfer. Elle a souhaité être là pour vous témoigner de sa très profonde solidarité pour notre exigence de mémoire. Madame Suzanne Heffez-Szenderowicz était programmée pour le four crématoire. L'armée russe, atteignant ce camp le 27 janvier 1945, l'a libérée de ce destin funeste tandis que sa famille avait déjà été assassinée. Pour sa présence parmi nous et cette solidarité, je vous remercie de l'applaudir.

Nous allons maintenant observer ensemble une minute de silence pour tous ceux et toutes celles qui ont disparu, victimes de ces années les plus noires de l'Europe.

Merci pour ce moment chargé d'émotion. Nous allons maintenant constituer une haie d'honneur afin que notre gerbe rejoigne la crypte de ce Monument national du Souvenir de la Déportation. Ce dernier moment sera accompagné par la chorale des Mélo'men, qui est à nos côtés depuis des années, et que je remercie volontiers.

 

Discours prononcé par Jean Le Bitoux, président-fondateur du Mémorial de la Déportation Homosexuelle - PARIS DIMANCHE 24 AVRIL 2005.

Photo : Jean Le Bitoux, accompagné du président exécutif du MDH, René Lalemen (cliché de Franck Dennis - no copyright).

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