triangles-roses.org. La persécution des homosexuels sous le régime nazi.

   
Les homosexuels déportés reconnus
Libération

L'Etat les intégrera à la célébration de la Journée du souvenir, dimanche

Hier, pour la première fois, l'Etat français a reconnu la réalité des persécutions subies par les homosexuels durant la Seconde Guerre mondiale. Au détour d'un hommage à Georges Morin, résistant mort en déportation, Lionel Jospin a prononcé ces mots tant attendus par les associations homosexuelles: «Il est important que notre pays reconnaisse pleinement les persécutions perpétrées durant l'Occupation contre certaines minorités - les réfugiés espagnols, les Tziganes ou les homosexuels. Nul ne doit rester à l'écart de cette entreprise de mémoire.»

Gerbe piétinée

A trois jours de la Journée nationale du souvenir des victimes et héros de la déportation, ce discours va redonner du cœur à tous ceux qui, depuis des années, tentent en vain de s'inviter à cette commémoration. «C'est un tournant historique» , a immédiatement réagi Jean le Bitoux, président du mémorial pour la déportation homosexuelle. De 1933 à 1945, des dizaines de milliers d'homosexuel(le)s ont été envoyés en camp par les nazis. Niée par les autorités françaises qui ne reconnaissent que deux types de déportés - les résistants et les civils, y compris pour motifs raciaux -, cette persécution fait l'objet d'une revendication têtue des homosexuels français. En 1976, la première gerbe déposée illégalement au mémorial de l'île de la Cité avait été piétinée par un membre d'une association officielle de déportés: «Cette gerbe salit la mémoire de millions de martyrs.»

Légitimation

Depuis, les incidents se multiplient chaque dernier dimanche d'avril. En 1985, à Besançon, six homosexuels avaient été blessés par une dizaine d'anciens déportés tandis qu'on entendait crier «on devrait rouvrir les fours pour eux» . Il y a trois ans, le maire de Reims avait barricadé l'accès au mémorial, et à Caen, Lille ou Lyon, les militants arborant le triangle rose - signe distinctif des homosexuels - ont été refoulés. Depuis l'an dernier pourtant, le rabbin de Rouen convie les homosexuels au chant des morts à l'issue du dépôt de gerbe.

La légitimation par le Premier ministre survient trois semaines après deux gestes du secrétariat d'Etat aux Anciens Combattants. A la demande des associations, une commission historique va travailler sur la déportation des homosexuels français. Les préfets ont par ailleurs reçu un courrier les incitant à intégrer les représentants de la communauté homosexuelle aux cérémonies de dimanche et, «le cas échéant» - autrement dit, en cas d'hostilité des déportés locaux -, à les autoriser à déposer leur propre gerbe à l'issue de la commémoration. La Fondation de la Mémoire, qui regroupe les associations de déportés, s'est associée à cette évolution.

La démarche de mémoire de Lionel Jospin

C'était presque un bilan. Hier, Lionel Jospin a résumé sa conception des relations entre l'Etat et l'histoire. Depuis 1997, date de sa sortie sur la droite et l'esclavagisme, à la réhabilitation des mutins de la Grande Guerre, le Premier ministre a souvent déclenché de belles polémiques. Mais, derrière les coups d'éclat, il poursuit une démarche cohérente.

En rupture avec Mitterrand, et poursuivant le travail entamé par Chirac, il défend une approche du passé récusant toute histoire officielle. «Nous ne devons pas craindre de nous confronter à notre passé, avec ses ombres et ses lumières. Il nous faut lutter contre la déformation des faits. Nous devons savoir regarder notre histoire en face», a-t-il affirmé hier.

Le discours de Craonne sur les mutins ou la décision d'indemniser les orphelins de déportés juifs participaient de cet esprit. Hier, il a continué ce travail, en reconnaissant les persécutions subies par les réfugiés espagnols, les Tziganes et les homosexuels pendant l'Occupation. Parallèlement, à propos de la guerre d'Algérie, il a annoncé la construction d'un mémorial pour les soldats «morts pour la France» et l'ouverture aux historiens des archives concernant cette période.

 


Libération, Blandine Grosjean, le 27 avril 2001

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