Sur Antenne 2, les Français ont pu voir, après leurs voisins allemands, la série Holocauste , de facture hollywoodienne. Sans doute, une bonne affaire commerciale pour ses promoteurs.
Jamais on n'avait tant parlé d'un feuilleton, et il est bon, en effet, que les horreurs des camps de concentration soient évoquées, périodiquement, afin de favoriser une prise de conscience nécessaire au respect des droits de l'homme, bafoués dans l'univers entier.
Les horreurs de TOUS les camps de concentration : le goulag soviétique (à condition que ce ne soit pas un argument de politique intérieure française), les prison d'état de quelques dictatures d'Amérique latine, d'Afrique et d'Asie, sans égard au dechaînement des propagandes aveugles qui pointent le doigt dans une direction : l'est ou l'ouest, en négligeant CE QUI LES DÉRANGE. Même dans les démocraties libérales, le non-respect des principes et des hommes, aussi minime soit-il, est un pas qui conduit à la servitude.
Certes, les français attendent toujours la diffusion sur le petit écran du film Le chagrin et la pitié . Bref, avec un courage douteux et retardataire, ils persistent se battre la coulpe sur la poitrine des autres, à l'abri du bouc émissaire “nazi”. Ils oublient l'antisémitisme bien de chez nous, Les Juifs, rois de l'époque d'Alphonse Toussenel (1846), La France juive d'Edouard Drumont (1886), la Libre Parole , l'Affaire Dreyfus, le Commissariat aux affaires juives créé par le gouvernent de Vichy, le statut particulier qui fut imposé aux juifs, l'aryanisation de leurs biens, Drancy, les milliers d'enfants juifs français, envoyés aux camps de la mort par nos responsables et notre police, qui, bien sûr, OBÉISSAIENT AUX ORDRES. Est-ce, d'ailleurs, l'unique sujet tabou ? Ah, surtout, ne parlons pas des guerres coloniales, de la guerre d'Algérie, des tortures ?... N'allons pas dire que la crise économique et sociale que nous traversons nous paraît beaucoup moins supportable que la faim dans le monde, la misère, le sous-développement ; que nous versons des larmes de sang en raison de l'augmenation du prix du pétrole, alors que des malheureux crévent littéralement d'inanition, n'ayant ni pain, ni argent ?
Il est trop facile de dénoncer les atrocités commises depuis l'avènement de Hitler jusqu'à sa chute, il y a plus de trente ans. La réprobation qui les accompagne faisait et fait toujours l'unanimité, dès lors que le DROIT DU VAINQUEUR a volé au secours du DROIT en 1945. Le Tribunal militaire de Nuremberg composé des représantants des quatre puissances dites alliées : les Etats-Unis, l'U.R.S.S., la Grande-Bretagne et la France s'entendaient pour flétrir une période détestée. En 1956, nous allions apprendre les ravages de la terreur stalinienne, ce qui jette un jour singulier sur la pureté, au moins de l'un des juges , tandis que le rappel d'Hiroshima suscite des opinions partagées.
Est-ce que je fais de la “politique” ? Non, de l'histoire ! Ce qui se passe aujourd'hui dans certaines régions du monde est trop vite gommé au nom d'intérêts partisans, politiques, économiques ou autres. C'est au nom des mêmes intérêts que les yeux se fermaient complaisamment à partir de 1933. Plutôt que d'apitoyer les foules par des images et des situations dramatiques, il convient de démontrer le mécanisme totalitaire qui conduit un peuple à abdiquer sa liberté aux mains des dictateurs et des bureaucraties.
Cela concerne Arcadie et les HOMOSEXUELS ? Qui pourrait se douter, lorsque nous savons, nous, les homosexuels, mais les hétérosexuels en prennent-ils bien la mesure, qu'il y avait des HOMOPHILES DANS LES CAMPS DE CONCENTRATION NAZIS ? 200 000 homosexuels seraient morts dans les camps ( Diff Eros , no. 2, p. 21, et Ilia , 15 mai 1978, p. 9). Les autorités les contraignaient à porter un triangle rose. Dans le premier épisode du feuilleton Holocauste, un déporté expliquait justement au nouveau détenu la signification des couleurs des différents triangles.
200 000 martyrs !
Je relis dans Arcadie , no. 82, d'octobre 1960, de la page 616 à 618, un article signé B.M. “Die Runde” et intitulé les homophiles dans les camps de concentration de Hitler. J'en extrais le passage suivant :
“Parce que l'article 175 du Code pénal allemand ‘faisait' des homophiles des criminels, ceux-ci ne trouvèrent dans le public aucune pitié, et bien entendu ne purent prétendre à aucun dédommagement . Jusqu'à ce jour, personnne n'a cherché à savoir combien d'homophiles furent les victimes des poursuites nazies, ni ce qu'ils ont retrouvé de leur existence et de leurs biens, quand ils ont survécu.”
“Les procès des anciens médecins des camps viennent de nous rappeler que des milliers d'homophiles furent châtrés de force, souvent dans des conditions bestiales. Dans les camps, ils étaient souvent désignés pour de mauvais traitements particuliers. L'auteur de ces lignes a vu lui-même comment, à plusieurs reprises, un jeune homme d'allure un peu féminine dut danser devant les SS pour être ensuite pendu, les mains et les pieds liés, à une poutre du corps de garde, et battu de façon horrible. Il se rappelle aussi les ‘parades de latrines', dans un des premiers camps (Sonneburg), pour lesquelles le commandant choisissait toujours les homophiles.”
J'ai sous les yeux une photocopie du registre des détenus présents au camp de Mauthausen : le 1-12-1939, il s'y trouvait 51 homosexuels, le 1-1-1940, 48 homosexuels, le 1-5-1940, 63 homosexuels. Le 31 décembre 1944, enfin, il y en avait 66, aux côtés de détenus politiques, de témoins de Jéhovah, de juifs, de Tziganes, de prisonniers de guerre, de jeunes russes, de criminels détenus à long ou à court terme, de divers asociaux.
Quand cessera-t-on de trouver déplacée la présence des homosexuels à des manifestations du souvenir rassemblant les victimes de l'Hitlérisme ?
Le Soir de Bruxelles du 15 septembre 1977 rendant compte du dernier pèlerinage de Breendonk ajoutait : “au moment où Marcel Louette allait prononcer son hommage, des tracts jetés sur la plaine proclamaient que le fascisme n'était pas mort puisque... les homosexuels jadis ‘victimes de Hitler' sont toujours traités comme des anormaux”. L'auteur de l'article, Paul M.G. Levy, conclut alors : “que les homosexuels aient été persécutés par Hitler, quand ils n'étaient pas de ses familiers, c'est parfaitement exact”.
Arcadie , no. 271-272, juillet-août 1976, page 408, cite Charlie Hebdo où un nommé Xérès parle des déportés pour faits de moeurs : “Sous Hitler, des dizaines de milliers d'homosexuels ont été passés à la moulinette pour l'unique raison qu'ils étaient homosexuels. Afin d'honorer les ‘pédés' victimes du nazisme, une délégation du Groupe de libération des homos s'est pointée le 25 avril au mémorial de la Déportation pour y déposer une gerbe. Les anciens déportés les en ont empêchés”. Commentaire de Delfeil de Ton dans le Nouvel Observateur du 4-1976 : “Elle est exemplaire cette histoire des grilles réclamées par d'anciens déportés. Leurs années de camp n'ont pas suffi à les dégoûter des barreaux. De tous les barreaux. Poursuivis, exterminés parce qu'ils n'étaient pas comme les autres, ils ont trouvé encore moins comme les autres qu'eux : les pédés. Halte aux pédés”.
L'anthologie ne serait, pourtant, pas complète si le dossier ne comportait pas la réaction d'un lecteur du Nouvel Observateur (au commentaire de Delfeil de Ton), Henry Bulawko, dans ce même hebdomadaire ( Nouvel Observateur du 12 au 18 avril 1976) : Il prétend que la demande d'une meilleure protection “n'avait rein à voir avec le groupe d'homosexuels”. Et il écrit : “Pour ce qui est des homosexuels, c'est la première fois que j'entends dire qu'ils ont été déportés par dizaines de mille. En trente-deux mois de camp, il me souvient d'en avoir rencontré une arrêtée comme juive. Je sais qu'il y en eut qui connurent le sort des autres victimes du nazisme, mais ce que je sais surtout, c'est d'avoir rencontré de nombreux homosexuels parmi les S.S. et les kapos”.
Si, vraiment, c'est la première fois que ce monsieur entend affirmer qu'il y a eu des dizaines de milliers d'homosexuels déportés, alors il reste quelque chose à faire, il VOUS reste quelque chose à faire : VOUS, revues homosexuelles, occupées à vous déchirer imbécilement ; VOUS, radio, télévision, cinéma, qui endormez, lorsqu'il s'agit de RÉVEILLER.
Et je veux balayer sans hésitation cet argument méprisable des nombreux homosexuels parmi les S.S. et les kapos, qui souhaite égaliser les bourreaux aux victimes, qui ambitionne de BANALISER LA TRAGÉDIE DES HOMOSEXUELS SOUFFRANTS.
Je devine la surprise des téléspectateurs face au comportement de ce kapo juif du premier épisode de la série Holocauste . Son comportement empêche-t-il que 6 millions de juifs aient été sacrifiés, et avec eux les kapos ? Tout pouvoir d'oppression sait jouer sur le clavier des sentiments humains et des privilèges. Aux opprimés, on offre d'autres personnes à avilir. C'est précisément l'histoire de l'anitsémitisme et du racisme.
Des homosexuels S.S. et kapos, il y en eut, comme il y en eut des hétérosexuels S.S. et kapos (la majorité puisque l'hétérosexualité EST majoritaire).
Mais les homosexuels parqués dans les camps de concentration y croupissaient parce qu'ils étaient homosexuels, tandis que ceux qui les encadraient, les torturaient tenaient ce pouvoir non d'une orientation sexuelle jugée déviée par les maîtres du 3e Reich, mais en dépit de cette orientation, dès lors qu'ils se vouaient à assurer l'ordre nazi par conviction ou pour récolter des maigres avantages.
Six MILLIONS de juifs...
Des MILLIERS ET DES MILLIERS D'HOMOSEXUELS...
Avec les mêmes droits à la pitié, à la réhabilitation et à la réparation.
Les cendres refoidies des martyrs de cet immense holocauste ne doivent être entourées d'un rideau de fumée, lorsqu'il est question des homosexuels. Des bûchers aux crématoires, les homosexuels ont tout enduré, tout subi, y compris le ghetto, dans lequel on continue de les enfermer. Garder le silence à ce sujet serait le dernier outrage à leur réserver : morts pour avoir aimé, ils ne demandent qu'à vivre pour aimer encore.